Selon les dernières données de la comptabilité nationale publiées par l’OFS (janvier 2021), la croissance économique neuchâteloise, mesurée par son PIB, affichait + 5.1% en 2018, soit la hausse cantonale la plus élevée du pays.
Avec 16.5 milliards de francs, le PIB neuchâtelois participe pour 2.3% au PIB national. Rapporté à sa population, le PIB neuchâtelois représentait 93’300 francs par habitant en 2018, pour 84’500 francs par habitant au niveau national. 1er en Suisse occidentale.
Daniel Kaufmann, professeur assistant à l’université de Neuchâtel, commente ces résultats pour le service de l’économie.
Que peut-on dire sur cette croissance de plus de 5 % par rapport à la croissance nationale et internationale ?
Ces chiffres démontrent que la Suisse est une économie ouverte. Le pays gagne environ un franc sur deux en vendant des biens et services à l’étranger. Or le canton de Neuchâtel est encore plus ouvert que la Suisse. Son économie dépend fortement du cycle conjoncturel à l’étranger. En 2018, le PIB dans les économies de l’OCDE a cru de 2.3%, l’économie Suisse de 3%. Ainsi, le canton de Neuchâtel a donc encore plus profité de la bonne conjoncture à l’étranger avec un taux de croissance de 5.1%.
Comment expliquez-vous un tel dynamisme ?
2018 était une bonne année pour l’économie mondiale et le commerce extérieur et donc, en particulier, pour le canton de Neuchâtel. Comme la croissance du PIB neuchâtelois fluctue fortement au cours du temps parce que l’économie dépend fortement du commerce extérieur, il est bien possible que la crise Covid-19 entrave fortement la croissance du canton pour 2020. À titre de comparaison, pendant la crise financière, quand le PIB de l’économie mondiale a diminué de manière similaire à la crise Covid-19, le PIB neuchâtelois a baissé de -7.7%. Parallèlement, le PIB suisse a seulement diminué de -2.1%. Il faut donc s’attendre à des chiffres moins bons pour 2020.
La caractéristique industrielle du canton joue-t-elle un rôle prépondérant dans cette croissance ?
Le secteur manufacturier est le secteur le plus important dans le canton de Neuchâtel. Les industries extractives, les industries manufacturières et la construction contribuent presque à 50% de la valeur ajoutée neuchâteloise . Dans tous les autres cantons, excepté Bâle-Ville et le Jura, la contribution du secteur manufacturier est inférieure. De plus, ces secteurs dépendent fortement de la croissance de l’économie mondiale. C’est le facteur principal qui explique que l’économie neuchâteloise est fortement touchée par les fluctuations du commerce extérieur.
Selon les modèles statistiques, quelle reprise économique est prévue en Suisse et plus particulièrement à Neuchâtel ?
Mon modèle de prévision se base sur les chiffres du PIB pour la Suisse (qui sont déjà disponibles jusqu’à 2020) et les prévisions du PIB Suisse du SECO (pour 2021 et 2022). Ce modèle concerne la croissance du PIB et celle de la valeur ajoutée dans des industries extractives, industries manufacturières et construction dans le canton de Neuchâtel.
Il prend la forme suivante.
Croissance NE(t) = -5 + 3*Croissance Suisse(t) + 1.5*Croissance Suisse(t-1) + facteurs inconnus
Ce modèle explique environ 70% de la variation de la croissance neuchâteloise.
Ce premier graphe montre les chiffres officiels pour la croissance du PIB suisse de l’OFS avec la prévision du SECO. Ces chiffres sont la base sur laquelle je me base pour les prévisions neuchâteloises.
Les deux graphes ci-dessous contiennent les prévisions pour Neuchâtel. Vous voyez que selon le modèle, le PIB et la valeur ajoutée ont fortement baissé en 2020. En 2021, le modèle prévoit une stagnation. La croissance devient positive uniquement en 2022.
Bien sûr, ces prévisions font face à des incertitudes importantes car de nombreux facteurs sont à ce jour inconnus.
Comment imaginez-vous la reprise post-Covid19 ?
Le commerce extérieur a principalement été touché pendant la première moitié de 2020. Cela veut dire que la croissance du canton de Neuchâtel sera probablement fortement négative en 2020, même s’il faut attendre pour avoir les chiffres officiels. Mais l’économie mondiale a aussi rapidement rebondi selon des chiffres de l’OCDE. Je ne peux difficilement envisager que le commerce extérieur, excepté quelques secteurs comme le tourisme, soit touché de manière permanente par la crise Covid-19. De plus, les programmes conjoncturels, surtout aux États-Unis et dans l’Union européenne soutiendront la croissance mondiale. Finalement, si les vaccins sont rapidement distribués et fonctionnent aussi avec les nouveaux variants du virus, les pays du Nord pourront rapidement retourner à une économie fonctionnant de manière relativement normale (ce ne sera probablement pas le cas pour certains pays du Sud). Au final, je pense que la crise n’est pas aussi grave que les scénarios conjoncturels sombres publiés il y a une année. Mais, il est encore trop tôt pour juger l’impact à moyen terme. En particulier, sur la productivité des entreprises qui doivent s’adapter à un nouveau monde, où de nouvelles pandémies ne sont pas exclues.